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PUBLIÉ LE 04/07/2024

Décision de suspension partielle et de modification des modalités de réalisation d’un essai clinique de médicament a usage humain

A+ A-
La directrice générale de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) ;

Vu le code de la santé publique (CSP) et notamment les articles L. 1121-1, L. 1121-2, L.1123-8, L.1123-11 et L. 1123-12 ;

Vu la recherche impliquant la personne humaine (RIPH) mentionnée au 1° de l’article L. 1121-1 du CSP intitulée « Ribociclib et endocrinothérapie en traitement néoadjuvant et adjuvant dans le cancer du sein avec statut des récepteurs des œstrogènes positif (RE+) et HER2 négatif (HER2-) à risque clinique élevé (Ribolaris) » (n°EudraCT 2021-002322-24), ci-dessus référencée, portant sur le médicament expérimental (ME) Ribociclib, menée en France et en Espagne ;

Vu l’autorisation délivrée par l’ANSM le 1er mars 2022 ainsi que l’avis favorable du Comité de Protection des Personnes Ouest VI en date du 17 mars 2022 pour cette recherche ;

Vu le courrier préalable à décision de suspension partielle de la recherche notifié le 19 avril 2024 au promoteur ;

Vu les observations formulées par le promoteur par courrier en date du 25 avril 2024 ;

Vu la réunion qui s’est tenue entre la Fondation Unicancer (ci-après Unicancer), point de contact du promoteur, et l’ANSM le 25 avril 2024 ;

Considérant que la recherche précitée vise à évaluer l’efficacité à long terme d’une endocrinothérapie néoadjuvante et adjuvante + Ribociclib chez des patients présentant un cancer  RE+/HER2- de risque élevé et une réponse biologique à une chirurgie (c’est à dire score ROR – risque de récidive - faible) ;

Considérant que le protocole de cette recherche prévoit que les patients soient traités selon la méthodologie suivante :
  • une phase néo-adjuvante d’une durée de 24 semaines durant laquelle les patients reçoivent le Ribociclib associé à une hormonothérapie ;
  • suivie d’une chirurgie pour tous les patients inclus ;
  • puis d’une phase adjuvante composée de 2 cohortes :
    • cohorte « répondeurs » constituée des patients qui ont répondu au Ribociclib dans la phase néo-adjuvante ; ils sont alors traités par Ribociclib associé à une hormonothérapie, seuls, pendant 2 ans et demi ;
    • cohorte « non-répondeurs » constituée des patients qui n’ont pas répondu au Ribociclib en phase néo-adjuvante ; ils sont alors traités par chimiothérapie, puis par Ribociclib associé à une hormonothérapie pendant 2 ans et demi ;
Considérant que les patients inclus sont dits :
  • « répondeurs » lorsqu’ils n’ont pas montré de signes ou symptômes d’une maladie progressive confirmée par imagerie ou de toxicité inacceptable pendant la phase néo-adjuvante et s’ils obtiennent après chirurgie une pCR (ypT0/Tis, ypN0) ou relèvent d’un statut ypN0 et ROR ≤ 30 ou d’un statut ypN1mi (le ganglion lymphatique est supérieur à 0,2 mm mais inférieur à 2 mm) et un ROR ≤ 20 ou statut ypN1 et ROR ≤ 10 ;
  • « non-répondeurs » s’ils relèvent après chirurgie d’un statut  ypN0 et ROR > 30, ypN1mi et ROR > 20, ypN1 et ROR > 10 ou ypN2-3 ;
Considérant que SOLTI Start-Up Group est le promoteur de la recherche Ribolaris ;

Considérant qu’Unicancer est désigné point de contact auprès de l’ANSM et investigateur de cette recherche ;

Considérant que le 28 mars 2024, l’ANSM a été alertée par Parexel International Romania s.r.l, mandaté par les laboratoires Novartis, fabriquant du ME Ribociclib, que la Food and Drug Administration (FDA) a décidé de suspendre les inclusions des recherches portant sur LEE011/Ribociclib/Kisqali aux Etats-Unis, chez les patients atteints d'un cancer du sein au stade précoce/non métastatique ;

Considérant que cette mesure fait suite à un fait nouveau de sécurité lié à une quantité d’impuretés en nitrosamines présente dans le ME, supérieure au seuil toléré ;

Considérant que le 8 avril 2024, les laboratoires Novartis ont confirmé que le niveau actuel d’impuretés liées aux nitrosamines contenu dans certains lots de Ribociclib, est supérieur aux limites acceptables recommandées par la FDA pour les traitements du cancer du sein précoce ;

Considérant que le 11 avril 2024, l’Autorité compétente espagnole (AEMPS) a transmis à l’ANSM les résultats préliminaires des tests non cliniques in vivo révélant un effet mutagène des niveaux de nitrosamines dans le duodénum des souris mâles, ainsi que la Lettre d’information aux investigateurs (DIL) des Laboratoires Novartis datée du 8 avril 2024 ;  

Considérant que, par courriel en date du 12 avril 2024, l’ANSM a demandé au promoteur des informations complémentaires concernant ce fait nouveau de sécurité et un état des lieux exhaustif de l’avancement de la recherche ainsi que des actions envisagées ;

Considérant, qu’en réponse à ces demandes, Unicancer a avisé l’ANSM, par courriel en date du 15 avril 2024 :
  • que certains lots de Ribociclib, administrés dans la recherche Ribolaris, contenaient effectivement une quantité de nitrosamines au-delà du seuil acceptable et que des tests de mutagénicité in vitro ont été menés ;
  • qu’au 1er avril 2024 :
    • 725 patients au total ont été inclus dans la recherche Ribolaris (dont 273 patients en France) et qu’il reste 275 patients à recruter pour atteindre l’objectif de la recherche ; 16 patients sont en cours de sélection, dont 3 approuvés pour inclusion à ce jour en France ;
    • 230 patients (dont 103 en néo-adjuvant) sont en cours de traitement en France ;
Considérant qu’à l’occasion d’une réunion intervenue le 19 avril 2024 entre l’ANSM, Unicancer et le promoteur SOLTI, ce dernier a indiqué que le 18 avril 2024, une réunion du comité de pilotage de la recherche Ribolaris s’est tenue au cours de laquelle il a statué sur un arrêt des inclusions dans cette recherche en France ;

Considérant qu’aux termes de l’article L. 1121-2 du CSP, aucune RIPH ne peut être effectuée :
  • si elle ne se fonde pas sur le dernier état des connaissances scientifiques et sur une expérimentation préclinique suffisante ;
  • si le risque prévisible encouru par les personnes qui se prêtent à la recherche est hors de proportion avec le bénéfice escompté pour ces personnes ou l'intérêt de cette recherche ;
  • si l'intérêt des personnes qui se prêtent à une RIPH ne prime pas sur les seuls intérêts de la science et de la société ;
Considérant, que conformément au 7ème alinéa du même article, une RIPH ne peut débuter que si l'ensemble des conditions susmentionnées sont remplies et ne peut se poursuivre que si leur respect est constamment maintenu ;

Considérant qu’aux termes de l’article L.1123-11 du CSP, l'autorité compétente peut, à tout moment, demander au promoteur des informations complémentaires sur la recherche.
En cas de risque pour la santé publique ou en cas d'absence de réponse du promoteur ou si l'autorité compétente estime que les conditions dans lesquelles la recherche est mise en œuvre ne correspondent plus aux conditions indiquées dans la demande d'autorisation mentionnée à l'article L. 1123-8 ou ne respectent pas les dispositions du [titre II de la première partie du code de la santé publique], elle peut à tout moment demander que des modifications soient apportées aux modalités de réalisation de la recherche, à tout document relatif à la recherche, ainsi que suspendre ou interdire cette recherche.
Sauf en cas de risque imminent, une modification du protocole à la demande de l'autorité compétente ou une décision de suspension ou d'interdiction ne peut intervenir qu'après que le promoteur a été mis à même de présenter ses observations.
Le promoteur informe le comité de protection des personnes compétent et l'autorité compétente mentionnée à l'article L. 1123-12 du début et de la fin de la RIPH et indique les raisons qui motivent l'arrêt de cette recherche quand celui-ci est anticipé ;

Considérant que l’article L.1123-12 du CSP dispose que l'autorité compétente pour les RIPH prévues à l'article L. 1121-1 est l’ANSM.

Elle se prononce au regard de la sécurité des personnes qui se prêtent à une recherche mentionnée au 1° de l'article L. 1121-1, en considérant :
  1. La sécurité et la qualité des produits utilisés au cours de la recherche conformément, le cas échéant, aux référentiels en vigueur ;
  2. Les conditions d'utilisation des produits et la sécurité des personnes au regard des actes pratiqués et des méthodes utilisées ;
  3. Les modalités prévues pour le suivi des personnes.
Pour les recherches mentionnées au 1° de l'article L. 1121-1 et portant sur un produit mentionné à l'article L. 5311-1, elle se prononce en outre sur :
  1. La pertinence de la recherche ;
  2. Le caractère satisfaisant de l'évaluation des bénéfices et des risques attendus ;
  3. Le bien-fondé des conclusions.
Considérant que, selon des résultats préliminaires de tests non cliniques réalisés sur la souris mâle, la possibilité de mutation liée à la présence de nitrosamines chez les patients traités par Ribociclib présente un risque potentiel de survenue de cancers secondaires chez les patients exposés au ME ;  

Considérant que ces nouvelles données ne permettent pas de garantir la sécurité du ME dans le cadre de la recherche Ribolaris ; qu’en conséquence, le 19 avril 2024, le promoteur a été informé de ce que l’ANSM envisageait de suspendre partiellement la recherche, et ce  selon les modalités suivantes :
  • toute inclusion dans la recherche Ribolaris est interrompue ;
  • toute administration du traitement pour les patients inclus dans l’essai en phase néoadjuvante, est interrompue ;
  • toute administration du traitement pour les patients inclus dans la cohorte « non répondeurs » en phase adjuvante, est interrompue ;
Considérant, que par courrier en date du 25 avril 2024, le promoteur a confirmé à l’ANSM la suspension des inclusions dans la recherche Ribolaris et a fait part de ses observations sur la décision projetée. Notamment :
  • selon lui, l’évaluation de la balance bénéfices/risques demeurerait positive compte tenu :
    • du risque potentiel de développer un second cancer estimé à 1/8000 après une exposition de 400 mg par jour de Ribociclib pendant 70 ans, au regard du risque identifié de cancers secondaires liés à la chimiothérapie cytotoxique estimé à 1/200 à 10 ans après exposition à 4 cycles de chimiothérapie ;
    • de la durée d’exposition maximale cumulée au Riboclicib dans la recherche Ribolaris estimée à 3 ans ;
    • de l’absence d’évidence d’un déséquilibre et d’une relation de causalité avérée de cancers secondaires avec Ribociclib dans les études pivots Monaleesa et Natalee, et de l’absence de signal confirmé via les données de pharmacovigilance collectées depuis la mise sur le marché du Ribociclib en 2017 ;
    • du taux de patients répondeurs dans la recherche évalué à 52,4% à ce jour, supérieur au taux estimé dans le protocole initial (40%) ;
  • les patients devraient conserver leur autonomie et décider de poursuivre le traitement par Ribociclib ou de se retirer de l’étude, à condition qu’ils disposent de renseignements clairs et soient invités à réitérer leur consentement ;
  • il préconise de poursuivre la recherche dans les conditions suivantes :
    • reprise du recrutement de nouveaux patients une fois que les nouveaux lots de Ribociclib (avec des niveaux de nitrosamines inférieurs aux seuils requis par la FDA) seront disponibles ;
    • mise à jour du formulaire de consentement des participants en cours de traitement par Ribociclib afin d’indiquer la présence d’impuretés de nitrosamines dans Ribociclib et des implications cliniques potentielles. Cette nouvelle version du formulaire de consentement doit être signée pour chacun des patients décidant de poursuivre la recherche.
    • information des participants à la recherche qui ont fini le traitement ou qui ont été sortis de la recherche, de la présence d’impuretés de nitrosamines dans le Ribociclib et de ses implications cliniques potentielles ;
Considérant, que lors de la réunion en date du 25 avril 2024, Unicancer a souligné :
  • que les risques cliniques associés à la présence de nitrosamines dans le Ribociclib, dont notamment la potentielle survenue de cancers secondaires, devaient être mesurés en considération des risques également associés au traitement par chimiothérapie ;
  • l’interêt selon eux de maintenir le traitement par Ribociclib pour les patients inclus dans la cohorte des patients répondeurs de la recherche ;
  • du taux faible de patients ayant progressé et/ou ayant présenté une toxicité inacceptable pendant la phase néo-adjuvante (~5%) ;
Considérant :
  • les données disponibles de l’étude pivot Natalee montrent une amélioration de la durée médiane de survie sans maladie invasive après 3 ans de traitement adjuvant post-chimiothérapie par Ribociclib associé à une endocrinothérapie ;
  • certains patients non répondeurs au Ribociclib sur le plan moléculaire suite au traitement néo-adjuvant sont répondeurs sur le plan clinique et radiologique ;
  • le taux de cancers secondaires liés à la présence de nitrosamines dans le Ribociclib est potentiellement inférieur à celui encouru par les patients traités par chimiothérapie ;
Considérant, pour l’ensemble de ce qui précède, que si la sécurité du ME est justifiée pour les patients suivants :
  • en phase néo-adjuvante en cours de traitement par Ribociclib et sans signe de progression clinique radiologique ou biologique ;
  • en phase adjuvante inclus dans la cohorte « répondeurs » ;
  • en phase adjuvante inclus dans la cohorte « non-répondeurs » ayant déjà fait l’objet d’une chimiothérapie et ayant déjà débuté le traitement Ribociclib associé à une hormonothérapie ;
tel n’est pas le cas en revanche pour :
  • les patients susceptibles d’être inclus dans la recherche n’ayant pas encore été traités par Ribociclib ;
  • les patients en phase néo-adjuvante n’ayant pas encore reçu ce ME ;
  • les patients en phase adjuvante en cours de chimiothérapie n’ayant pas encore débuté le traitement par Ribociclib et l’hormonothérapie ;
Considérant qu’au regard de ce qui précède, il apparaît que les garanties permettant d’assurer la sécurité de l’ensemble des patients ne sont pas apportées et que le risque prévisible encouru par certains d’entre eux est hors de proportion avec le bénéfice qu’ils peuvent en escompter ; qu’il convient dès lors d’interrompre la recherche pour ces derniers et d’en prévoir des modalités particulières de réalisation pour ceux qui la poursuivent ;

Décide :

Article 1er : La recherche Ribolaris est suspendue dans les situations suivantes :
  • toute inclusion est interrompue ;
  • l’administration du Ribociclib aux patients inclus dans la phase néo-adjuvante et n’ayant pas encore reçu ce traitement, ne doit pas débuter. Leur prise en charge sera décidée en concertation avec le patient ;
  • conformément aux modalités déjà prévue par le protocole autorisé, l’administration du Ribociclib aux patients inclus dans la phase néo-adjuvante, en cours de traitement par Ribociclib et qui présentent des signes de progression clinique radiologique, est interrompue. Leur prise en charge sera décidée en concertation avec le patient ;
  • les patients en phase de traitement adjuvant inclus dans la cohorte « non-répondeurs », sous traitement par chimiothérapie et n'ayant pas débuté le traitement séquentiel par Ribociclib associé à une hormonothérapie devront sortir de la recherche. Leur prise en charge sera décidée avec leur consentement.
Article 2 : Les modalités de réalisation de la recherche Ribolaris sont modifiées comme suit :
  • les patients en phase néoadjuvante en cours de traitement par Ribociclib et sans signe de progression clinique radiologique pourront poursuivre la recherche. Le cas échéant, un nouveau consentement devra être signé ;
  • les patients en phase de traitement adjuvant inclus dans la cohorte « répondeurs » pourront poursuivre la recherche, sous réserve d’avoir signé un nouveau consentement ;
  • les patients en phase de traitement adjuvant inclus dans la cohorte « non-répondeurs », ayant déjà fait l’objet d’une chimiothérapie et ayant déjà débuté le traitement Ribociclib associé à une hormonothérapie, pourront poursuivre la recherche.  Le cas échéant, un nouveau consentement devra être signé.
Article 3 : Tous les patients ayant fait l’objet d’une inclusion dans la recherche Ribolaris doivent être informés de la présente décision et de la présence d’un taux de nitrosamines supérieur au taux recommandés dans le traitement expérimental auquel ils ont été soumis ainsi que des risques cliniques associés.

Article 4 : La présente décision sera communiquée aux autorités compétentes des Etats membres de l’Union européenne, à la Commission européenne et à l’Agence européenne des médicaments, à la Commission nationale des recherches impliquant la personne humaine et aux comités de protection des personnes concernés, conformément aux dispositions de l’article R. 1123-65 du CSP.

Cette décision pourra être modifiée en fonction des conclusions du Groupe européen de coordination des Essais Cliniques (CTCG) à l’issue de la réunion programmée le 6 mai 2024.

Cette décision peut faire l’objet d’un recours contentieux devant le tribunal administratif compétent dans les 4 mois qui suivent sa notification.


Fait le 03/05/2024

Céline MOUNIER
Adjointe à la direction générale adjointe chargée des opérations

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