Zinbryta (daclizumab), Esmya (ulipristal), Xofigo (radium 223), quinolones et fluoroquinolones : retour d’information sur le PRAC de mars 2018
Lors de sa réunion mensuelle, qui s’est tenue du 5 au 8 mars 2018 à Londres, le Comité pour l’Evaluation des Risques en matière de Pharmacovigilance (PRAC) de l’Agence européenne des médicaments (EMA) a démarré un arbitrage concernant Zinbryta (daclizumab), poursuivi la revue de l’utilisation de Esmya (ulipristal), de Xofigo (radium-223) ainsi que l’arbitrage concernant les quinolones et fluoroquinolones.
Démarrage d’une procédure d’arbitrage concernant Zinbryta (daclizumab) – article 20
Une procédure d’arbitrage de réévaluation du bénéfice-risque selon l’article 20 a été initiée pour le médicament Zinbryta® (daclizumab) indiqué dans le traitement des adultes présentant des formes récurrentes de sclérose en plaques.
Cette décision fait suite à l’observation de 12 cas de réactions (dont 3 fatales) cérébrales inflammatoires graves, dont des encéphalites et des méningo-encéphalites.
Le PRAC a recommandé la suspension immédiate de l’autorisation de mise sur le marché de Zinbryta et un rappel de lot.
Les professionnels de santé devront contacter leurs patients, arrêter leur traitement et réaliser un suivi de leurs patients pendant 6 mois suivant la date d’arrêt du traitement.
Ce médicament n’est pas commercialisé en France.
A noter qu’en France seul un essai clinique était en cours avec le daclizumab. L’ANSM a demandé de suspendre immédiatement toute administration du traitement et de mettre en place un suivi de ces patients et, d’autre part, qu’une information leur soit apportée, en lien avec le Comité de Protection des Personnes en charge de cet essai.
Revue du bénéfice/risque d’Esmya (ulipristal) – Article 20
Fin novembre 2017, suite à la remontée de 4 cas d’atteintes hépatiques sévères, dont 3 ayant abouti à une transplantation hépatique (dont 2 cas rapportés en France) chez des patientes traitées par ESMYA (ulipristal 5 mg), indiquée dans le traitement des fibromes utérins, l’agence européenne des médicaments a lancé un arbitrage dans le cadre de l’article 20 du règlement européen 726/2004 pour évaluer l’impact de ces cas graves sur le rapport bénéfice/risque de cette spécialité.
Début décembre, une liste de questions avait été envoyée au titulaire de l’AMM d’ESMYA afin qu’il discute ces cas graves d’hépatotoxicité, le mécanisme toxique potentiel et plus globalement, le rapport bénéfice/risque de la spécialité. La prochaine discussion était prévue pour le PRAC de mars 2018.
Cependant, suite à la survenue d’un quatrième cas de transplantation hépatique avec décès de la patiente par sepsis déclaré fin janvier 2018, une discussion anticipée a été programmée au PRAC de février 2018. Le PRAC a décidé au cours de cette séance de prendre des mesures transitoires et a recommandé :
-
de ne pas initier de traitements par ESMYA chez de nouvelles patientes,
-
de ne pas débuter de nouveaux cycles de traitement (3 mois) chez des patientes précédemment traitées,
-
d’effectuer un bilan hépatique au moins une fois par mois pour les patientes en cours de traitement et au plus tard 4 semaines après l’arrêt du traitement. En cas de transaminases supérieures à deux fois la normale, le médecin doit arrêter le traitement et suivre de manière étroite la patiente.
Le 20 février un courrier d’information a été envoyé aux professionnels de santé et la fiche patiente destinée à reconnaître les premiers signes d’une atteinte hépatique grave a été mise à jour.
En mars 2018, la discussion préliminaire sur le bénéfice/risque d’ESMYA a eu lieu et le PRAC a décidé de réunir un groupe d’experts multidisciplinaire ad-hoc (gynécologues, hépatologues…). Deux listes de questions ont été élaborées, d’une part pour les experts, d’autre part, pour le titulaire de l’AMM.
La prochaine discussion aura lieu au PRAC de mai 2018.
Il est à noter qu’il existe une autre spécialité à base d’ulipristal dosé à 30 mg, EllaOne, administrée en dose unique, indiquée dans la contraception d’urgence. Actuellement, aucun cas d’atteinte hépatique sévère n’a été rapporté avec cette spécialité qui n’est pas inclue dans le périmètre de l’arbitrage.
Revue de l’utilisation de XOFIGO® (radium-223) – article 20
Xofigo® est indiqué dans le traitement du cancer de la prostate résistant à la castration, avec métastases osseuses symptomatiques et sans métastases viscérales connues.
Des discussions ont été initiées au PRAC du mois de décembre 2017 suite à la notification d’un fait nouveau survenu en novembre 2017 au cours d’un essai clinique de phase 3 (Xofigo vs. Placebo) et un arbitrage article 20 du règlement européen 726/2004 a été initié afin de réévaluer les données disponibles et d’analyser l’impact des résultats de cette analyse sur le statut de l’autorisation de mise sur le marché de ce produit.
Le Xofigo® et le placebo étaient administrés en association avec Zytiga® (acétate d'abiratérone) et des corticoïdes (prednisone / prednisolone). Un risque accru de décès et de fractures a été observé dans le bras Xofigo®.
En France, plus aucun nouveau patient n’est recruté dans l'essai concerné et tous les patients encore inclus ne reçoivent plus le traitement par Xofigo®
(mais seulement abiratérone et les corticoïdes).
Une lettre d’information a été envoyée aux professionnels de santé le 13 Décembre 2017 les informant de ces observations et de la nécessité de ne pas utiliser le Xofigo® en association avec le : Zytiga® (abiratérone) et une corticothérapie.
Au cours de sa séance de mars 2018, le PRAC a conclu à la nécessité de :
-
transmettre une liste de questions au détenteur de l’autorisation de mise sur le marché dans le but de collecter des informations complémentaires,
-
mettre en place un groupe d’experts (scientific advice group (SAG)) afin de discuter des données collectées.
Le PRAC a également décidé de mettre en place les mesures transitoires suivantes :
-
Introduction de mises à jours de l’information du produit aux rubriques 4.3 (Contre-indication) et 4.4 (Mises en garde spéciales et précautions d’emploi) du Résumé des Caractéristiques du Produit (RCP),
-
Transmission aux professionnels de santé d’une lettre d’information relative à ces mesures.
Ces mesures ont pour but de communiquer sur le fait que :
-
Xofigo® ne doit pas être utilisé avec l'anti-androgène Zytiga (acétate d'abiratérone) et la prédnisone / prédnisolone en raison d'un risque accru de fractures et de mortalité,
-
L'innocuité et l'efficacité de Xofigo® en association avec des antagonistes des récepteurs aux androgènes de deuxième génération tels que Xtandi® (enzalutamide) n'ont pas été établies,
Les deux médicaments peuvent continuer à être utilisés séparément, conformément aux recommandations contenues dans le RCP et la notice.
De plus amples informations seront disponibles une fois que l'examen des données sera finalisé.
Les prochaines discussions sont prévues au PRAC de Juin 2018.
Quinolones et fluoroquinolones et risque d’effets indésirables durables, handicapants et potentiellement irréversibles touchant principalement les muscles, les articulations et le système nerveux – Article 31
Les quinolones et les fluoroquinolones sont des antibiotiques administrés par voie systémique ou par voie inhalée, utilisés pour traiter des infections bactériennes au cours desquelles le pronostic vital peut être engagé.
Les produits autorisés dans l’union européenne contiennent les substances actives suivantes :
-
Quinolones : acide nalidixic, acide pipemidic, cinoxacin
-
Fluoroquinolones : enoxacin, pefloxacin, lomefloxacin, ciprofloxacin, levofloxacin, ofloxacin, moxifloxacin, norfloxacin, prulifloxacin, rufloxacin, flumequine.
Des effets indésirables durables, handicapants et potentiellement irréversibles touchant principalement les muscles, les articulations et le système nerveux ont été notifiés.
En mai 2016, la FDA a conduit une revue de ces effets chez les patients traités par fluoroquinolone par voie systémique, qui a entrainé une restriction de l’utilisation de ces produits dans les infections moins sévères comme sinusite aigue, bronchite aigue, et infection urinaire non compliquée. Une approche similaire a aussi été suivie par Santé Canada. Alors que, dans l’Union Européenne, ces effets indésirables figurent déjà dans la plupart des RCP des produits, ils n’ont pas été évalués de façon systématique.
En février 2017, l’Allemagne a donc demandé au PRAC d’émettre une recommandation relative à l’autorisation de mise sur le marché de ces produits, dans le cadre d’une procédure d’arbitrage (Article 31).
Lors de sa réunion de février 2017, le PRAC a adopté une liste de questions destinée aux titulaires d’AMM et a demandé à l’EMA de réaliser une analyse ciblée sur ces effets dans Eudravigilance.
Lors de sa réunion en novembre 2017, le PRAC a établi une liste de questions destinée à l’ « Infectious disease working party » de l’EMA pour avoir son avis sur un regroupement des indications selon une perspective thérapeutique, et ce regroupement a été acté par le PRAC lors de sa réunion en février 2018.
L’EMA ayant observé une augmentation de l’intérêt public pour la sécurité de ces médicaments, le PRAC, lors de sa séance de mars 2018, a longuement discuté de la nécessité d’une audition publique et décidé de la programmer, probablement au cours de la réunion du PRAC en juin.
De ce fait, il est prévu de décaler de 2 mois la finalisation de l’arbitrage, au mois de juillet 2018.
Lire aussi