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PUBLIÉ LE 21/09/2022 - MIS À JOUR LE 21/11/2024

Décision du 08/09/2022 portant suspension de l’autorisation de mise sur le marché de la spécialité : Pholcodine Biogaran 6,55 mg/5 mL, sirop

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La directrice générale de l'Agence Nationale de sécurité du médicament et des produits de santé,

Vu la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 novembre 2001 instituant un code communautaire relatif aux médicaments à usage humain, notamment les paragraphes 1 et 2 de l’article 107 decies ;

Vu le code de la santé publique, cinquième partie, notamment les articles L. 5121-9, R. 5121-47 et R. 5121-157;

Vu les cas rapportés de réactions allergiques aux curares après utilisation de pholcodine (indiquée dans le traitement symptomatique des toux non productives gênantes), rares mais graves (à type de chocs anaphylactiques) ;

Vu l’étude de sécurité post-autorisation (PASS) de type cas-témoin mise en place en France, suite à la décision d’exécution de la Commission européenne du 17 février 2012, afin d’étudier la possibilité d’une association entre l’exposition à la pholcodine et les réactions anaphylactiques aux curares en peropératoire (étude Alpho) ;

Vu le point d’information diffusé par l’ANSM en avril 2020, dans le contexte de la pandémie de Covid-19, destiné à rappeler aux professionnels de santé le risque potentiel de réactions allergiques croisées entre la pholcodine et les curares et recommandant aux médecins, par mesure de précaution, de ne pas prescrire de spécialités contenant de la pholcodine pour le traitement symptomatique de la toux et aux patients de ne pas les utiliser ;

Vu d’une part les résultats de l’étude australienne cas-témoin de Sadleir et al.[1] publiés en 2021 et d’autre part les résultats préliminaires de l’étude PASS Alpho précitée, adressés par le promoteur le 30 juin 2022 ;

Vu la réunion en présence de l’ANSM et des titulaires d’AMM des médicaments contenant de la pholcodine, en date du 26 juillet 2022 ;

Vu la lettre de l’ANSM en date du 5 août 2022 informant Biogaran de son intention d’engager une procédure d’urgence de l’Union en application des dispositions des articles 107 decies et suivants de la directive précitée et de procéder à la suspension de l’AMM de la spécialité concernée à titre conservatoire, et l’invitant à présenter ses observations ;

Vu les observations présentées par Biogaran en date du 11 août 2022, lesquelles n’apportent pas d’élément susceptible de remettre en cause le sens de la décision envisagée ;

Considérant le principe général de prééminence de la protection de la santé publique énoncé par le second considérant de la directive 2001/83/CE précitée ;

Considérant qu’aux termes des articles L. 5121-9 et R. 5121-47 du code de la santé publique, l’AMM peut être suspendue notamment lorsque l’évaluation des effets thérapeutiques positifs du médicament au regard des risques pour la santé du patient ou la santé publique liés à sa qualité, sa sécurité ou son efficacité n’est pas considérée comme favorable ;

Considérant que les notions de nocivité et d’effet thérapeutique ne peuvent être examinées qu’en relation réciproque et n’ont de signification qu’appréciées en fonction de l’état d’avancement de la science et compte tenu de la destination du médicament ;

Considérant que l’exigence d’une évaluation du rapport bénéfice/risque présenté par un médicament ne vise pas exclusivement l’octroi de l’AMM, mais implique une évaluation continue, et notamment dans le cadre d’une procédure de suspension ou de retrait d’AMM ;

Considérant qu’aux termes de l’article R. 5121-157 IV du code de la santé publique, l’AMM peut être suspendue en urgence et l'utilisation du médicament concerné peut être interdite en vue de protéger la santé publique en attendant qu'une décision définitive soit prise en application de la procédure d'urgence de l'Union ;

Considérant en l’espèce que les résultats de l’étude australienne précitée, à la fois rétrospective et prospective, comparant un groupe de 145 patients avec une anaphylaxie à un curare à un groupe de 61 patients ayant eu une anaphylaxie à la céfazoline, montrent que la consommation de pholcodine était associée à un risque très significatif d’anaphylaxie aux curares (OR=14,0, P<0,001) ; qu’il s’agit de la première étude suggérant qu’un traitement par pholcodine est un facteur de risque d'anaphylaxie aux curares, même si ses limites méthodologiques n’ont pas permis de conclure sur ledit facteur de risque ;

Considérant par ailleurs que l’objectif principal de l’étude cas-témoin Alpho précitée est de rechercher une association entre l’exposition à la pholcodine et le risque de réaction anaphylactique peranesthésique lié à un curare, comparant un groupe de cas (patients ayant présenté une réaction anaphylactique à l’induction anesthésique) à un groupe de témoins (patients anesthésiés avec injection de curare n’ayant pas présenté de réaction anaphylactique peranesthésique), appariés sur l’âge, le sexe, la catégorie de curare, la période de réalisation de l’anesthésie et la région géographique ;

Considérant que les résultats de cette étude (qui inclut un total de 937 patients dont 167 cas et 334 témoins qui ont pu être appareillés et analysés) sur le critère principal montrent un lien statistiquement significatif entre l’exposition à la pholcodine au cours des 12 mois ayant précédé une intervention chirurgicale et le risque de réaction anaphylactique peranesthésique lié à un curare, ceci après ajustement sur les facteurs de confusion potentiels ; que ces patients, précédemment traités par pholcodine, ont 4,4 fois plus de risque de faire une réaction anaphylactique peranesthésique liée à un curare que les patients non exposés (OR ajusté = 4,4 [2,6 ; 7,3]) ;

Considérant que ces résultats sur le critère principal de l’étude Alpho sont cohérents avec les résultats de l’étude australienne précitée et qu’ils confirment d’ores et déjà l’hypothèse d’une association entre une exposition à la pholcodine et une augmentation du risque de réaction anaphylactique peranesthésique ; que ce risque apparait également comme non prévisible en cas de nécessité d’utiliser les curares en situation d’urgence et perdure plusieurs mois après l’exposition à la pholcodine ;

Considérant que la sortie de l’arsenal thérapeutique de la spécialité précitée n’est pas de nature à occasionner une difficulté dans la prise en charge thérapeutique de la toux non productive gênante (chez les adultes et les enfants), ou une perte de chance pour les patients, alors que les curares, utilisés dans les services d’anesthésie et de réanimation, sont en revanche indispensables à la pratique médico-chirurgicale ;

Considérant en conséquence que l’évaluation des effets thérapeutiques positifs du médicament au regard des risques pour la santé du patient ou la santé publique n’est plus considérée comme favorable, les effets thérapeutiques attendus ne permettant plus de contrebalancer les risques de réaction anaphylactique croisée entre la pholcodine et les curares auxquels les patients peuvent être exposés lors de leur administration ;

Considérant que ce médicament est également autorisé et disponible dans d’autres Etats membres de l’Union, dans des indications thérapeutique similaires ;

Considérant qu’il y a donc lieu, au vu de l’ensemble de ces éléments, alors que la procédure d’urgence de l’Union prévue aux articles 107 decies et suivants de la directive 201/83/CE précitée a été engagée le 1er septembre 2022, de suspendre à titre conservatoire l’AMM de la spécialité concernée ; qu’en l’état des connaissances acquises à ce jour, une telle mesure est rendue nécessaire et urgente au regard de l’objectif de protection de la santé publique ;

Décide

Article 1er
L’autorisation de mise sur le marché octroyée pour la spécialité pharmaceutique :

Pholcodine Biogaran 6,55 mg/5 mL, sirop,
dont le titulaire est 
Biogaran
15, Boulevard Charles de Gaulle
92700 Colombes

est suspendue sous toutes ses présentations.

Article 2
Le titulaire doit prendre toutes dispositions, notamment auprès des détenteurs de stocks, en vue de faire cesser la délivrance au public de la spécialité précitée et de procéder à un rappel des lots concernés.

Article 3
Conformément au 3ème alinéa de l’article L. 5124-11 du code de la santé publique, l’exportation de la spécialité est interdite.

Article 4
La présente décision est notifiée à l’intéressé et sera publiée sur le site internet de l’ANSM.


Fait le 08/09/2022

Dr Christelle RATIGNIER-CARBONNEIL
Directrice Générale de l’ANSM


[1] Sadleir PHM, Clarke RC, Goddard CE, Day C, Weightman W, Middleditch A, et al. Relationship of perioperative anaphylaxis to neuromuscular blocking agents, obesity, and pholcodine consumption: a case-control study. British Journal of Anaesthesia 2021;126 (5):940–8.

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